Le roi féodal ne donne plus, il propose un contrat annuel. La terre sera au vassal tant que celui-ci aidera son seigneur militairement, politiquement et intellectuellement, tant qu'il paiera une redevance en nature et/ou en argent, et le fief pourra être repris si le serviteur ne veut ou ne peut continuer à servir. Chaque année, le vassal doit venir en la cour son seigneur pour réitérer son allégeance.
On dit que le système féodal se caractérise par le lien d'homme à homme. En effet, tout dépend de la façon dont les hommes tiennent parole et demeurent fidèles à leurs serments. La qualité qui consiste à rester aux côtés du seigneur pour le meilleur et pour le pire s'appelle loyauté. Un bon vassal est feal, fidèle, un mauvais vassal est parjuré, il ne tient pas ses serments. Le vassal doit à son maître consilium et auxilium. Cela veut dire qu'il doit le conseiller sincèrement selon sa prévoyance et sa sagesse, et s'engager à l'aider quel que soit le conseil que le seigneur accepte finalement. Le seigneur doit au vassal protection et respect. Etant liés par contrat temporaire, ils se doivent politesses et prévenances, faute de quoi leur lien ne saurait durer.
A la terre est attaché le titre: comté, duché, marquisat. Les titres et les privilèges constituent le domaine invisible. Il n'y a pas de relation hiérarchique, au premier Moyen Age, entre ces titres, ni de correspondance entre la taille des domaines et la grandeur du titre. S'il y a des duchés de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres carrés, il y en a d'autres minuscules. On peut être prince d'un village. Cependant on ne peut pas avoir le titre sans avoir de terre, car le titre est créé par le roi pour la terre, non pour l’homme.
Tant que l'autorité souveraine du roi n'est pas capable d'imposer le respect de la loi, quelle qu'elle soit, la société est plongée dans l'anarchie féodale. Cet état de choses a dominé pendant le Xe siècle, à la faveur entre autres des attaques permanentes auxquelles était soumis le territoire de la part des Vikings, des pirates venus de l'Afrique du Nord, voire des Hongrois, qui sont arrivés en Pannonie en 894 sous leur chef Arpád et qui poussent plusieurs attaques jusqu’en France
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Cela s’exprime dans le cérémonial de l’adoubement. Le jeune homme qui sera adoubé, c’est-à-dire admis dans l’ordre des chevaliers, prépare sa promotion par une nuit de prières dans la chapelle du château, en veillant ses armes. Le matin, il se confesse et reçoit la communion, le prêtre bénit ses armes, puis, devant l’assemblée des vassaux, le seigneur qui est son “parrain” lui ceint le baudrier avec l’épée, lui met les éperons, l’embrasse sur la bouche et lui donne la “colée”, qui est parfois une bonne bourrade, au lieu du geste fait en touchant les épaules du candidat avec la lame de l’épée, tel que nous le voyons dans les films historiques. Le plus fréquemment, on adoube les jeunes par dizaines et par centaines, soit les jours des grandes fêtes comme la Pentecôte, soit sur le champ de bataille, en récompense des services apportés ou afin d’exhorter à la vaillance. L’un des éléments les plus significatifs du rituel est le serment prêté par le chevalier, dont voici un texte, tiré du Pontifical de Guillaume Durand, évêque de Mende: “Seigneur très saint, Père tout-puissant… toi qui as permis, sur terre, l’emploi du glaive pour réprimer la malice des méchants et défendre la justice; qui, pour la protection du peuple, as voulu instituer l’ordre de la chevalerie… fais, en disposant son coeur au bien, que ton serviteur que voici n’use jamais de ce glaive ou d’un autre pour léser injustement personne; mais qu’il s’en serve toujours pour défendre le juste et le droit”. La chevalerie est ainsi justifiée par une projection fictive selon laquelle son rôle est uniquement défensif, tandis que le mal est fait par les autres. Mais il n’y a l’ombre d’un doute qu’une bonne partie des torts que les chevaliers prétendent réparer ne seraient pas advenus sans l’initiative d’autres chevaliers.